Réaction à ma critique de l’article « Bonbons acidulés à bannir de la récré »

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Suite à ma critique de l’article « Bonbons acidulés à bannir de la récré » paru dans le numéro de septembre 2016 de la revue Sciences et Avenir, son auteure, Madame Bègue, m’a envoyé cette réponse (publiée dans son intégralité). Suis ma réponse à sa réponse…

La réponse de Madame Bègue

« Titre et chapeau. Le choix du titre « Bonbons acidulés à bannir de la récré » peut induire  une confusion. En effet, l’article ne dit pas qu’il faut interdire les bonbons acides aux enfants mais s’attache à mettre en garde contre une consommation trop importante. Les risques énumérés dans le chapeau sont parmi ceux cités dans un avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devenue aujourd’hui l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation.

La consommation. Le chiffre de 7,1 kg de bonbons consommés par seconde en France est là pour indiquer une tendance, laquelle peut varier d’une année à l’autre. Selon une publication du 13 septembre dernier du Syndicat national de la confiserie, les Français auraient mangé 3,5 kg de bonbons par personne en 2015.

Les sucres. Nous nous sommes référés au site Open Food Facts que vous citez et qui constitue une base de données sérieuse sur les produits alimentaires. Pour certains bonbons acides, notamment les Têtes Brûlées particulièrement en vogue, les teneurs en glucides annoncées vont jusqu’à 77,2 g  pour 100 g de bonbons dont 69,8 g de sucres. « Une quantité élevée », note le site dans la fiche nutritionnelle du produit. Mais certaines langues acides, non répertoriées sur le site, en contiennent davantage comme nous l’indiquons. Les bonbons, qu’ils soient acides ou pas, sont généralement très sucrés, mais comme le souligne la nutritionniste Angélique Houlbert, il n’y a aucun problème si on mange un. C’est probablement moins inoffensif quand on en consomme beaucoup. Plusieurs travaux montrent que le sucre appelle le sucre car il active le circuit de la récompense dans le cerveau en libérant des hormones comme la dopamine, ce qui donne à nouveau envie de manger sucré. Une étude sur des enfants obèses de 8 ans a d’ailleurs montré que leur cerveau était plus sensible au sucré que celui des enfants de poids normal. Partant du principe que l’on ingurgite beaucoup de sucres, parfois cachés, au cours d’une journée, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise de limiter si possible la dose de sucres libres quotidienne à 25 g afin de réduire les risques de surpoids, d’obésité et de caries. En ce qui concerne l’intérêt nutritionnel des bonbons acides, la majorité de ceux analysés par Open Food Facts ne contiennent aucune protéine ou très peu. Quant aux édulcorants comme l’aspartame, une controverse sur ses potentiels effets sur la santé agite la communauté scientifique. Par ailleurs, une étude de l’Inserm de 2013 suggère un lien entre la consommation de boissons « light » et le diabète de type 2, l’aspartame pouvant entrainer une hausse de la glycémie et du taux d’insuline similaire au sucrose.

Les additifs. Déminéralisation de l’émail dentaire, modification du Ph de la salive, caries, troubles gastro-intestinaux, fausse-routes… Les risques concernant l’acidité des bonbons en cas de consommation répétée reprennent ceux cités dans l’avis de l’Afssa de 2001. En 2004, la même agence se disait favorable à un projet d’arrêté visant à des « mesures d’interdiction » des bonbons fortement acides « compte tenu du caractère récurrent des incidents rapportés ». Mais reconnaissait, dans le même temps, qu’il était « difficile de définir une concentration en acides organiques totale, libérée spontanément au moment de la consommation », qui permette d’assurer « la sécurité des jeunes ». Concernant les additifs de synthèse, nous avons fait le choix de ne pas rentrer dans le détail car des controverses existent quant à leur effets et, comme vous l’écrivez, certains sont autorisés chez nous et interdits dans d’autres pays, ce que nous avons signalé.

Le sel et les acides gras trans. Parmi les repères nutritionnels des bonbons acides répertoriés sur le site Open Food Facts, certains affichent une teneur en sel de 1,6 g et 2,4 g pour 100 g. Il nous a semblé justifié de signaler que l’on pouvait trouver une quantité non négligeable de sel dans des bonbons, l’important, encore une fois, étant l’effet cumulatif de tout ce que nous mangeons. Nous avons choisi de rappelé le chiffre de 6,5 g par jour préconisé par les autorités de santé pour les femmes et les enfants et non les 8 g pour les adultes hommes car les gros consommateurs de bonbons sont surtout les enfants. Concernant les acides gras, l’hydrogénation totale peut les faire passer, comme vous le rappeler, d’une conformation ciss à l’état naturel à des isomères trans après traitement, appelés acides gras trans et connus pour leurs dangers sur la santé, notamment cardiovasculaires. L’« hydrogénation partielle » est la plus délétère. Un article sur les pâtes à tartiner auxquelles vous faites référence a été publié dans le n° 826 de Sciences et Avenir et est disponible sur notre site. »

 

Ma réponse à sa réponse

Je vous remercie pour votre réponse mais je n’y note que peu ou pas d’éléments nouveaux par rapport à votre article de départ. Vous admettez toutefois que votre titre peut induire des confusions. Par contre, vous persistez avec vos 7.1 kg bonbons par seconde, ou 3.5 kg par personne pour l’année 2015. Vous pourriez y adjoindre les 3.7 kg par famille pour 2014 (Ouest France) et encore bien d’autres chiffres… mais j’en resterai là pour ce qui touche à des unités inadaptées voire vides de sens mais propres aux manipulations.

  • glucides

A présent, vous affirmez vous servir de Open Food Facts (OFF) que vous qualifiez de base de données sérieuse. On peut juste se demander pourquoi vous n’y avez jamais fait appel dans vos articles originaux, qu’il s’agisse de celui de Sciences et Avenir ou de sa version light sur Planètes 360 « Bonbons acidulés, attention danger ! ». J’allais oublier une version encore  plus courte sur www.bibamagazine.fr « Enfants : attention aux bonbons acides !» où l’on retrouve le même air de famille au travers de phrases très semblables même si la signature est différente. Revenons à votre première et surprenante utilisation de OFF qui touche aux Têtes Brulées (TB) très acides. Sans que l’on sache celles dont il s’agit, vous sortez 2 valeurs apparemment limites (vont jusqu’à…) valant 77.2g en glucides dont 69.8g de vrai sucre. Vous revenez ensuite sur les langues acides, probablement celles de votre article de départ et vous affirmez que « certaines » vont au-delà de ces derniers chiffres. Selon vous 9 grammes de glucides, soit l’équivalent de presque 2 morceaux de sucre, seraient contenus dans chaque bonbon langue acide Haribo de 10g. En fait il y a confusion entre glucides et sucres vrais. Leur tableau nutritionnel (OFF) affiche bien 9.1g de glucides mais avec seulement 5.3g de vrai sucre, juste un peu au-dessus du morceau de sucre standard de 5g. On revient aux grammes pour 100 et cette valeur en sucre simple est très inférieure à la limite précédente et la teneur en sucres complexes 91-53 = 38g est bien supérieure aux 77.2-69.8 = 9.4g. La catégorie sucettes (OFF tableau 2) donne effectivement une teneur moyenne en sucres vrais de 71.9g du même ordre de grandeur que les 69,8g de votre ou vos bonbons TB mystères. En aucun cas on ne peut montrer une quelconque corrélation acide-sucre et pour cause puisque la quantité d’acide n’est pas affichée et l’on ne peut se fier qu’à des impressions gustatives difficiles à quantifier.

  • protéines

Votre affirmation sur les teneurs en protéines nulles, ou presque, concernant les bonbons acides mérite quelques éclaircissements. Dans mon article critique précédent, j’avais déjà utilisé OFF pour identifier deux des grandes familles de bonbons à la mode : les bonbons gélifiés et les sucettes (voir les tableaux OFF 1 et 2). La teneur moyenne en protéines est de 4.55g /100 pour les gélifiés, à comparer aux 0.132g /100 des sucettes, quasiment un rapport 35 entre les 2 ! En effet une sucette c’est avant tout du glucose, des sucres complexes et quelques pourcents pour le reste. Un bonbon gélifié contient une quantité plus faible de (mauvais) sucres simples mais sa teneur en protéines est comparable voire supérieure à celles d’aliments variés comme certaines barres céréalières, des spécialités laitières, des légumes etc. qui ont une bien meilleure réputation nutritionnelle. Si on laisse de côté les gélifiants végétaux qui sont des sucres complexes, la protéine généralement concernée est le seul collagène connu sous le nom générique de gélatine alimentaire. Les mailles de cette molécule peuvent emprisonner une importante quantité d’eau non répertoriée dans le tableau nutritionnel. La somme des ingrédients pour les bonbons gélifiés (tableau OFF1) est d’environ 85% et donc 100-85 soit 15%  correspondent à l’eau, bien évidemment dans la mesure où les quantités d’additifs hors tableau nutritionnel sont négligeables. Si l’on fait de même avec les sucettes (tableau OFF2) la somme des ingrédients est d’environ 96.5% et l’on peut encore supposer que 3.5% correspondent à une teneur en eau résiduelle maximale. La protéine collagène du bonbon gélifié est donc une nécessité structurale mais il faut bien reconnaitre qu’elle n’est que très faiblement assimilée par l’organisme, tout au moins sous cette forme, et elle est donc éliminée. Ce n’est toutefois pas une raison pour nier sa présence dans les bonbons gélifiés, acides ou non, et je n’ai rien trouvé dans OFF qui n’aille dans votre sens.

  • sel

A mon tour de vous dire que je suis d’accord avec vous sur la nécessité  de revoir la législation à propos des additifs en général, et des acides en particulier. Faute de pouvoir développer ici le sujet, je veux simplement signaler que de nouveaux systèmes d’étiquetages sont depuis peu testés en France. Je passe donc à votre paragraphe  « le sel et les acides gras trans ». Comme le montrent les tableaux OFF 1 et 2 et mes expériences personnelles rapportées dans mon précédent texte, je n’avais observé que des valeurs très faibles, voire nulles concernant le sel et le gras. J’ai cette fois-ci introduit dans OFF les valeurs en sel très élevées que vous donnez, 1.6 et 2.4g, soit jusqu’à plus de 15 fois les valeurs moyennes. Je n’ai trouvé que des bonbons TB acide framboise/fraise à 1.6g, et TB bille double choc à 2.4g de sel mais avec dans les deux cas, notons-le, une valeur nulle pour les lipides. Malgré une recherche systématique je n’ai identifié que très peu d’autres bonbons très acides, qu’ils soient à sucer ou éventuellement à mâcher, et qui dépassaient les 1g% de sel. On trouve toutefois des TB Kysmache avec non seulement 1.4g de sel mais aussi 4.4g de lipides. Faute de comprendre la logique de l’adjonction de sel dans ces bonbons, j’en resterai à ce dernier constat.

  • lipides

Concernant les acides gras, une nouvelle fois je dirais que, vues les quantités mises en jeu, leurs bons cis ou mauvais trans effets sont ici  négligeables et il n’est pas nécessaire d’aller plus avant dans le dossier complexe des lipides. En effet avec une moyenne à 0.5% pour les gélifiés et 1% pour les sucettes, les lipides ne représentent rien par rapport aux quelques 34% de pâtes à tartiner telles Nutella (OFF tableau3). Toutefois en retravaillant sur les TB et les very bad kids, j’ai découvert l’existence de « pâtes à sucer-mâcher » non élastiques et donc intermédiaires entre sucettes et pâtes à tartiner, et où l’on trouve des quantités non négligeables de lipides, jusqu’à 10g% voire au-delà. J’ignore toutefois la raison de la présence en quantité notable de lipides dans de tels bonbons à moins qu’ils n’aident à la mastication.

  • calories et conclusion

Pour conclure, tout comme vous, je m’inquiète de la progression de la consommation de ces bonbons hyper acides notamment chez les jeunes. C’est certes un risque dentaire supplémentaire mais ce n’est pas une raison pour diaboliser de la même manière tous ces bonbons à la mode. Vous les accusez de façon indifférenciée de tous les maux en usant d’arguments fallacieux et de chiffres inappropriés pour ne pas dire faux. Indépendamment de l’acidité, quitte à faire un choix, il serait honnête de reconnaitre que le bonbon gélifié est sensiblement le moins nocif parmi toutes ces friandises molles ou dures. La présence d’eau associée à moins de sucres vrais et de lipides, conduit aussi à un contenu calorique inférieur. Ainsi pour 100g, les gélifiés renferment environ 350 Kcal à comparer aux 400 Kcal des sucettes, et des 550 Kcal des pâtes à tartiner et du… chocolat. On l’oublie trop souvent mais il a longtemps été l’incontournable friandise du 4 heures avec ses (mauvais) lipides, son (mauvais) sucre vrai…même s’il n’a pas encore été super-acidifié, l’heure de son bannissement de la récré ne viendrait-il pas lui aussi de sonner ?